Actualité - 19 mai 2022
Mise en perspective des catalogues des manuscrits arabes de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
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Mise en perspective des catalogues des manuscrits arabes de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
Le fonds des 210 manuscrits arabes de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg s’est constitué principalement sous l’Empire allemand à partir de 1871, grâce à des crédits exceptionnels qui ont permis des achats d’envergure de manuscrits venant principalement du Moyen-Orient et de Péninsule arabique.
L’objet ici traité est la mise en perspective les cinq catalogues de ces manuscrits : les deux premiers, en allemand, des orientalistes Samuel Landauer (1881) et Theodor Nöldeke (1886), contiennent chacun une trentaine de notices ; le troisième, en français, contient la quasi-totalité des fonds actuels, sous le titre Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France publié en 1923 par Ernest Wickersheimer, alors directeur de la bibliothèque (1918-1950).
Le quatrième catalogue est publié en arabe en 1985 au Koweït, par Nazih Kussaibi, docteur de l’université de Strasbourg.
Enfin, le catalogue en ligne en français Calames (catalogue des manuscrits pour tous les établissements de l’enseignement supérieur) présente un accès direct au catalogue des manuscrits de la Bnu, avec un classement par période d’acquisition puis par langue. Le seul qui soit exhaustif et à jour des dernières acquisitions, il reprend tout le catalogue de Wickersheimer.
[…] Les quatre catalogues « papier », mis en perspective avec le catalogue en ligne Calames, seront analysés à travers l’étude de deux notices successivement : Ms.4.148, un recueil de poèmes qui constitue la première notice et le premier manuscrit arabe du catalogue, et Ms.4.236, un manuscrit de la collection Spitta. La première notice est traitée dans les catalogues de Landauer, Wickersheimer et Kussaibi ; la seconde l’est dans ceux de Nöldeke, Wickersheimer et Kussaibi. Chaque catalogue sera comparé aux autres dans des tableaux analytiques qui répondent aux questions suivantes : quelles informations sont présentées sur l’auteur (1), sur l’ouvrage (2), sur la qualité de l’écriture (3) et sur le codex (4) ?
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Pour lire directement la conclusion :
La comparaison de ces deux notices dans chacun des catalogues permet de distinguer deux types de catalogues : un premier type est celui des orientalistes allemands Landauer et Nöldeke qui, bien que partiel, est plus fouillé et érudit ; ces catalogues offrent des informations supplémentaires par rapport aux autres catalogues – français et arabe –, qui sont exhaustifs par leur couverture mais se limitent d’avantage à la définition stricte des objectifs de catalogage sans donner de renseignements approfondis de types biographique, littéraire, historique ou bibliographique. Ainsi, le catalogue de Wickersheimer et dans une moindre mesure celui de Kussaibi, qui représentent le second type, se cantonnent au cadre strict des critères de catalogage et donnent moins, voire aucun des détails supplémentaires mentionnés ci-dessus. Dans sa notice du Ms.4.148, Wickersheimer ne communique pas le titre original – ni en arabe, ni en traduction – mais en propose un résumé. En outre, il ne donne aucune date biographique ni aucune information sur la lisibilité de l’écriture.
En revanche, les catalogues allemands de Landauer et Nöldeke, pourtant considérés comme érudits, font parfois l’impasse sur certaines données ou les présentent de façon incomplète, comme la date de naissance de l’auteur (chez Landauer) ou la date de copie du manuscrit (chez Nöldeke), présentées uniquement dans le calendrier hégirien ; ou les dates biographiques omettant la date de naissance (Nöldeke). De même pour l’omission de certaines informations codicologiques comme la reliure, alors même que Landauer donne précisément les numéros de folios manquants (informations absentes dans les autres catalogues). Contrairement à Wickersheimer et Kussaibi, le format n’est pas donné en centimètres mais selon le format bibliographique, c-à-d le nombre de pliages par folio (in-folio, in-octavo etc.).
Par ailleurs, Landauer et Nöldeke sont nettement plus précis que leurs successeurs lorsqu’ils transcrivent en arabe le nom de l’auteur, ou lorsqu’ils présentent des détails biographiques conséquents sur les lieux de vie, la formation ou les voyages des auteurs. Il en va de même lorsque Nöldeke et Kussaibi communiquent des informations sur les autres copies manuscrites du même ouvrage dans le monde et présentent à ce sujet une matière bibliographique précise. Kussaibi suit souvent cette tendance « érudite » de l’orientalisme allemand, tout en reprenant et traduisant scrupuleusement toutes les informations consignées dans le Wickersheimer. De plus, les Allemands et Kussaibi exposent dans leurs notices des extraits parfois longs des œuvres comme dans la première notice de Landauer – onze vers – ou des incipits et des excipits, qui sont alors parfois commentés de manière détaillée par les catalogueurs, ce que l’on ne trouve pas dans le Wickersheimer. En outre, Nöldeke tout particulièrement s’étend sur l’esthétique calligraphique et matérielle du manuscrit d’une part et sur son contenu d’autre part, éléments qu’on ne trouve pas autant développés dans le Kussaibi et qui sont absents du Wickersheimer. Ce dernier supprime d’ailleurs le nombre de lignes par page indiqué par Landauer.
En revanche, à l’inverse de leurs collègues, si Landauer indique le format, Nöldeke ne mentionne pas systématiquement les dimensions du codex et tous deux ne donnent aucune information à propos de la reliure. Car leur objectif est moins un catalogage au sens propre qu’un état des lieux scientifique d’une collection plus limitée, à destination des chercheurs. Ainsi sortent-ils des prérogatives du catalogage en pratiquant la critique littéraire (voire linguistique chez Nöldeke) et historique, ce à quoi ne s’aventurent pas ou peu les autres catalogueurs.
Le tableau suivant résume les caractéristiques de chaque catalogue, tout en les comparant au nouveau catalogue en cours de réalisation à la Bnu. Un fond marron indique les cas uniques :
Un catalogue moderne, imprimé ou numérique, à la différence des quatre catalogues imprimés que nous avons analysés, exige une saisie en caractères arabes des noms d’auteur et des titres en caractères Unicode (à la place de la photographie des parties en caractères arabes telle qu’elle a été faite pour Calames), ainsi qu’une translittération en caractères latins conforme à la norme Afnor en vigueur. De plus, il comporte une datation double (grégorienne et hégirienne) complète, biographique et de la copie. Voilà précisément l’objet du travail en cours sur les notices de ce catalogue. Et finalement voici les améliorations fondamentales qu’apportera le nouveau catalogue par rapport aux précédents :
- la correction des anciens catalogues
- la saisie en caractères arabes Unicode qui seront des chaînes de caractères recherchables à la place du format image
- la translittération en caractères latins selon la norme Afnor en vigueur, soit au final deux chaînes de caractères recherchables pour chaque notice, arabe et latine
- les références bibliographiques vers le catalogue de Kussaibi et celui de Landauer
- la reprise des références bibliographiques citées dans le Landauer et dans le Kussaibi (lorsqu’elles ne figurent pas dans le Wickersheimer puis Calames)
- les dates biographiques complètes quand cela est possible (naissance et mort, calendrier hégirien et calendrier grégorien)
- la date de la copie (calendrier hégirien et calendrier grégorien)
- la mention du genre (littéraire, scientifique, religieux…) et de la discipline (médecine, histoire, magie, etc.)
- l’identification de l’autorité par un hyperlien renvoyant au fichier d’autorités IDREF (obligatoire pour Calames) conforme au « Fichier international virtuel (VIAF) » dès lors que c’est possible.
- certaines informations intéressantes des catalogues les plus fournis sont conservées, afin qu’il n’y ait pas de perte entre ces catalogues et le nouveau catalogue : c’est-à-dire toutes les données factuelles faciles à transposer, comme la présence de gloses, de dessins, de mentions de propriété etc. (cela n’inclut pas les explications plus longues ou les extraits)
- des remarques soit sur la rareté de la copie, soit sur d’autres aspects qui n’avaient pas été observés.
Le résultat du travail de Géraldine Jenvrin – un fichier Word comprenant toutes ces données destinées à être intégrées dans Calames –, constituera un instrument de travail à archiver. Il sera mis en ligne sur une plateforme Openaccess, sans doute sur UnivOAK, et une version imprimée sera éventuellement placée à l’Espace patrimoine, réuni avec les autres catalogues de manuscrits analysés dans cette étude comparative.
Géraldine Jenvrin, chercheuse associée au laboratoire IREMAM UMR 7310
Madeleine Zeller, chargée de missions scientifiques Patrimoine et alsatiques, conservateur en chef, Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
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